jeudi, avril 12, 2007

Tsubaki

Tsubaki est un roman aussi court que passionnant, à la fois intimiste et historique.

La narratrice en est une jeune femme d'origine japonaise, Namiko, vivant dans un pays non précisé, mais qu'on devine être le Canada. Sa mère, Yukiko, survivante de Nagasaki et exilée après la guerre dans ce pays, vient de mourir en lui laissant deux lettres, l'une adressée à un frère dont la narratrice ignorait l'existence, l'autre qui lui est destinée. Yukiko y confesse un meurtre, commis au Japon alors qu'elle était adolescente ...
Ce récit est pour la vieille dame un moyen de se libérer enfin du "poids des secrets" et d'éclairer les zones d'ombre d'une histoire familiale faussée par le mensonge. Pour Namiko c'est un retour aux sources, vers un pays où elle a peu vécu, et une famille dont elle ignore presque tout. Ce récit est également important pour le fils de Namiko, né d'un père américain et avide de témoignages sur la Seconde Guerre mondiale.
Avec une étonnante économie de moyens, Aki Shimazaki décrit plutôt brièvement le carnage de la bombe, mais fait planer son ombre sur tout le roman. C'est ce jour-là qui a infléchi le destin de Yukiko et donc de sa descendance...
Cette épure fait ressortir des images symboliques fortes, telles celle du camélia (tsubaki en japonais) qui donne son titre au roman. Tsubaki est la fleur préférée, emblématique, de Yukiko, celle qu'elle cultive dans son jardin canadien, et qui, après sa mort, continuera à fleurir sa maison et sa tombe. Elle peut représenter la beauté qui ne se délite pas dans la mort (la fleur du camélia tombe sans s'effeuiller), l'attachement aux racines japonaises malgré l'exil...Cette fleur charnue et rouge vif, à demi-fermée, au coeur dissimulé, pourrait être un écho aux sentiments des personnages et à la sensualité de certaines scènes, intenses et violents mais gardés secrets.
L'image reste malgré tout énigmatique, et cela convient très bien à ce roman qui, sans que vous sachiez exactement comment, capte votre attention dès les premières lignes et vous laisse impatient de lire la suite! Car Tsubaki est le 1er volume d'une pentalogie "chorale", évoquant la bombe atomique sur Nagasaki depuis cinq points de vue différents. A suivre donc prochainement sur Pollanno Hamaguri, Tsubame, Wasurenagusa et Hotaru...
Aki Shimazaki, qui vit à Montréal depuis 10 ans, écrit directement en français. J'ai lu sur le net qu'elle avait "commencé à écrire pour apprendre le français". L'article relevait aussi son lapsus intéressant lorsqu'elle disait avoir "appris le français pour écrire"...

Tsubaki, Le poids des secrets / 1, Aki Shimazaki, 1999, Babel, 2005, 115 p.




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