jeudi, avril 12, 2007

Hamaguri


Je continue à découvrir la pentalogie d'Aki Shimazaki, Le poids des secrets, et je suis de plus en plus sous le charme! Dans Tsubaki, Yukiko révélait qu'elle avait tué son père (je précise que ce n'est pas un spoiler, on l'apprend dès les 1es lignes...) après avoir fait une bouleversante découverte: le garçon qu'elle aimait ,Yukio, était en fait son demi-frère, dont son père avait toujours tu l'existence.
Le second volet, Hamaguri, reprend cette saga familiale, mais cette fois-ci avec le point de vue de Yukio, qui se révèle un personnage particulièrement attachant.
Le roman commence à Tokyo, alors que Yukio a 4 ans et qu'il vit seul avec sa mère, Mariko. Comme il est né hors-mariage et n'a pas de père, il subit les quolibets des gamins du voisinage ("tetenashigo!" bâtard). Mais il joue régulièrement au parc avec une fillette, dont le père , "ojisan"(=monsieur), semble être un ami de Mariko et lui rend souvent visite. Quand il ne vient pas Mariko est plongée dans une grande tristesse. Yukio et la fillette ,dont il ignore le nom, s'attachent l'un à l'autre au point de promettre de se marier devenus grands...Un jour, "ELLE" lui apprend un jeu:

Aujourd'hui, ELLE apporte des coquillages qui s'appellent hamaguri. ELLE les met par terre en deux rangs. Ils sont vraiment grands, mais toutes les dents de la charnière sont séparées. Je prends l'une des coquilles dans ma main. Nous les comptons en ordre [...]
En touchant à la dernière, ELLE crie:
- Vingt! Il y en a vingt en tout. On va jouer au kaïawase.
Je répète le mot que j'ai entendu pour la première fois:
- Kaïawase?
- Oui. Les règles du jeu sont très simples: trouver les deux coquilles qui formaient la paire originale. [...]
Je prends deux coquilles et j'essaie de les joindre, mais elles n'appartiennent pas à la même paire. Je les dépose par terre. ELLE continue. Puis, ce sera mon tour. Ainsi nous répétons le jeu jusqu'à ce que nous ayons reformé les dix coquillages.
Aujourd'hui, ELLE a trouvé sept paires et moi, j'en ai trouvé trois. ELLE m'a dit: "Chez les hamaguri, il n'y a que deux parties qui vont bien ensemble".


Puis Mariko se marie avec un autre homme qui adopte Yukio. Avant le départ de sa famille pour Nagasaki, Yukio rencontre une dernière fois ELLE, qui lui remet une paire de hamaguri scellée par un ruban de papier. A l'intérieur des coquilles elle a écrit leurs deux prénoms.
A Nagasaki, Yukio grandit sans jamais oublier la fillette, mais il perd les hamaguri. Adolescent, en pleine guerre, il rencontre Yukiko, dont les parents viennent d'emménager dans la maison mitoyenne...

La tonalité de Hamaguri est plus intimiste que Tsubaki. Le récit de Yukiko portait la marque de son caractère ferme et énergique, de son intérêt pour l'Histoire. La sensibilité de Yukio, très attaché aux femmes de sa vie ( Mariko, la fillette du parc, Yukiko), lui fait privilégier l'histoire personnelle, celle des liens familiaux et des sentiments, bouleversée à jamais par la guerre. Le 9 août 1945, le jour de la bombe, signifie surtout pour lui la perte de la femme aimée, mais aussi des retrouvailles aussi douloureuses que tardives, 50 ans plus tard.
Les hamaguri, coquillages jumeaux, sont une très belle (et double!) métaphore de la mémoire et de la nostalgie d'une moitié perdue,d'un double parfait, de son éternelle recherche...

Hamaguri, émouvant mais sans aucun gramme de mélo, peut donc vous arracher une petite larme (dur d'y résister à la fin ^^) mais vous gardera en haleine.
Car le personnage central de la pentalogie commence à se dessiner de plus en plus nettement: Mariko, la belle et mystérieuse mère de Yukio et maîtresse du père de Yukiko. Et elle semble détenir bien d'autres secrets de famille! Elle est la narratrice du volet suivant: Tsubame...
Que je vais m'empresser de lire bien sûr !!!

Hamaguri, Aki Shimazaki,2000, Leméac/Actes Sud, 109 p. Parution très récente en poche chez Babel.

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