jeudi, avril 12, 2007

Mishima

J'ai entamé ce recueil de nouvelles pour voir si je pouvais changer d'avis sur Mishima. N'ayant lu que Le Pavillon d'Or (fini à grand peine) et Pélerinage aux trois montagnes (je n'avais aimé que la nouvelle éponyme), je me disais que bon, c'était peu pour se forger un avis définitif sur un écrivain majeur.
Et faut croire que si...car je n'accroche décidément pas. Pour reprendre le célèbre slogan chocolatier
(théobromine, quand tu nous tiens...) , l'écriture de Mishima reste "quelques grammes de beauté dans un pudding bien lourd".
Une matinée d'amour pur comporte 7 nouvelles, écrites entre 1946 (Mishima a alors 20 ans) et 1965 (4 ans avant son suicide spectaculaire). Toutes déclinent le thème d'un amour ne trouvant son expression la plus belle et la plus pure que dans l'avilissement, la souffrance et la mort.
J'ai trouvé que le maniérisme presque kitsch, les situations dramatiques tellement outrées qu'elle frisent le ridicule, étouffent ce que ces histoires ont de dérangeant (inceste, infanticide, sado-masochisme). Sans compter des phrases tournées bizarrement et donc incohérentes (est-ce aggravé par la traduction ?). Je m'attarderai plutôt sur les 2 nouvelles qui m'ont plu, ouvrant et fermant le recueil.
Dans la première, "Une histoire sur un promontoire" , un jeune garçon égaré au bord de l'océan rencontre un mystérieux jeune couple. Personnages fantomatiques, chansons d'un autre siècle flottant dans une maison abandonnée ... Une ambiance onirique, presque fantastique, pour ce récit d'un éveil à l'amour. La tragédie est bien présente, mais tellement en filigrane qu'elle pourrait être juste un mirage généré par la torpeur d'un après-midi d'été ... L'écriture est élégante, c'est lyrique et subtil, pas du tout déplaisant à lire...surtout en été. Et en plus j'ai appris le mot "érémitique" ( dur à caser dans la conversation cela dit ^^' )

Pouvait-on imaginer un paysage aussi élégant qui fût à ce point chargé de mélancolie? On n'apercevait ça et là rien que des bosquets de pins et d'arbustes. D'innombrables petits reliefs transformaient cette montée en suite de lacets, et il aurait été impossible de dire le nombre de villas qu'on entrevoyait entre les bois et les rochers [...]
Ce secret d'une subtile configuration semblait conférer à ce magnifique paysage du promontoire encore plus de mystérieuse et érémitique beauté. L'habitant d'une des villas devait finir par croire qu'il n'y avait ni maison ni âme qui vive à plusieurs lieues à la ronde, jusqu'au jour où, au détour d'une promenade, il tomberait, tout près de chez lui, sur une roseraie d'un charme enchanteur, devant une petite maison, et il ne voudrait pas en croire ses yeux; s'il touchait une fleur, aussi bien le diapré de la couleur rose et moite, que l'ombre nette se découpant sur les feuilles vertes prouverait la réalité des roses, et, dans sa stupeur, il verrait des volets s'ouvrir, avec un grincement de loquet, et leurs ombres courir, puis, apparaissant à la fenêtre, l'habitant des lieux lui adresser un salut amical... la sensation d'étrangeté atteindrait alors à son comble. Sur ce promontoire, dix ou vingt minutes de promenade suffisaient pour pénétrer dans un univers de conte de fées et pour en ressortir.



La dernière, "Une matinée d'amour pur" s'ouvre sur le baiser langoureux d'un couple d'âge moyen, qui refuse de vieillir et cherche à entretenir les émois de sa première rencontre. Quitte à utiliser d'autres personnes pour arriver à ses fins. Pas follement audacieux, mais cela se lit plutôt bien. Ici aussi, des relents de fantastique flottent sur cette histoire de prédation amoureuse et d'éternelle jeunesse . Je pensais même en lisant au très séduisant couple vampirique Deneuve-Bowie...
(sacrilège! hurleront les fervents mishimiens ^^).
Du moins jusqu'au dénouement, qui, lui, renvoie au thème du Pavillon d'Or: la beauté vue comme une agression et qui provoque d'irrésistibles pulsions destructrices...


Une matinée d'amour pur (
朝の純愛, Asa no jun'ai), Yukio Mishima, Folio, 2005, 293 p.


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