mardi, février 22, 2005

Mélange des temps

Dans la Grammaire Japonaise Systématique (t.1) de Reiko Shimamori, je lis:

Un étudiant confirmé en japonais peut s'étonner que, dans un texte qui parle d'une histoire révolue, on trouve autant de verbes à la forme du non-passé que ceux qui sont à la forme du passé. Le "mélange des temps" est chose courante en cette langue, et plus particulièrement dans les romans.
La forme du non-passé dans cet emploi particulier pourra être appelée "présent historique", ayant pour effet de présenter des événements passés comme si'ils étaient en train de se produire au moment où l'on parle. Si la forme du passé apporte objectivement un fait, le présent historique, lui, insiste sur sa reconnaissance subjective. L'emploi du non-passé permet au locuteur (ou à l'auteur), qui se place en esprit au moment même où s'est produit le fait en question, de donner à son récit une vivacité particulière.
Le mélange de la forme du passé et de celle du non-passé est aussi une question stylistique. En japonais, le prédicat se place toujours en fin de phrase. Pour un texte traitant de faits qui ont eu lieu dans le passé, toutes les phrases devraient normalement se terminer par -ta た (ou sa variante -da だ), ce qui pourrait éventuellement produire un effet de rime, mais sous un autre angle, cela aboutirait à la monotonie. Un auteur japonais prête particulièrement attention à la forme de la fin de chaque phrase, afin d'éviter cette monotonie. Ce qui est certainement une des raisons pour lesquelles la forme du non-passé des verbes est si fréquemment employée dans un récit.
Okina inu ga oikakete kuru! Kodomo wa muchû de hashitta.
大きな犬が追いかけて来る! 子供は夢中で走った。
"Un gros chien court après lui! L'enfant a courru désespérément."


Il semblerait que certains traducteurs français conservent ce mélange des temps en faisant alterner passé et présent, car il m'est arrivé de le rencontrer dans des romans (notamment de Sôseki je crois) et j'ai trouvé cela assez déconcertant. Je ne sais pas si cela donne au texte français la "vivacité" recherchée par les auteurs japonais... et la "rupture de monotonie" (qu'un lecteur occidental, peu habitué à ce procédé, ressentira particulièrement) n'équivaut-elle pas dans notre langue à un effet de "cassure" (et même d'étrangeté) bien plus important que dans le texte original ?


en cours ... : The Little Friend, Donna Tartt.

Aucun commentaire: