vendredi, décembre 03, 2004

Inconnu à cette adresse

Je viens de terminer Inconnu à cette adresse, de Kressmann Taylor (1938) , que m'a fait parvenir une amie. Il s'agit d'une nouvelle épistolaire, la correspondance, entre 1932 et 1934, de deux amis marchands de tableaux, Martin Schulse, un Allemand, et Max Eisenstein, un Juif américain. Martin quitte la Californie pour retourner avec sa famille en Allemagne, juste avant qu'Hitler ne prenne le pouvoir, et s'y retrouve bientôt pris au piège, malgré les mises en garde répétées de son ami. Voici mes impressions de lecture mais :

* *attention, SPOILER * *

Un texte d'abord très intéressant du point de vue documentaire. Au fil des lettres, on assiste aux progrès rapides de la gangrène nazie dans une Allemagne meurtrie par la crise économique , et aux ravages qu'elle opère fatalement dans l'amitié de Martin et Max, perdant eux aussi tour à tour leur humanité, l'un par opportunisme,et l'autre, de douleur.
Ensuite, une histoire habilement construite, avec un retournement de situation inattendu, qui prend tellement le lecteur par surprise qu'il ne réalise que dans les dernières lignes ce qui s'est passé.
Mais une réflexion également sur le statut ambigu des mots , à la fois impuissants et le vecteur d'un pouvoir absolu. Tout en reconnaissant que la puissance d'Hitler est largement due à ses talents d'orateur, Martin vante l'action face au "discours" et renie ses opinions de penseur libéral: "Maintenant, je suis vraiment un homme; avant je n'étais qu'une voix ", justifie les autodafés de livres. Et en effet, que vont peser les mots et les lettres inquiets de Max face à l'embrigadement de son ami, puis la persécution des êtres qui lui sont chers? Et pourtant, dans un retournement final, l'écrit se fait l'outil de la vengeance la plus implacable, et quelques lettres suffiront à balayer toute vie sur leur passage, jusqu'à l'auto-destruction de cette correspondance et de cette amitié, scellée sobrement du tampon "Inconnu à cette adresse".

(en cours...) The Autograph Man / Zadie Smith.

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