mercredi, janvier 11, 2006

L'arbre du voyageur

Ca faisait un bout de temps que je voulais lire Hitonari Tsuji et particulièrement le célébré Bouddha Blanc (prix Fémina étranger 1999). Mais c'est finalement par L'arbre du voyageur, sorti récemment en poche, que j'ai commencé. Un roman qui ne m'a pas vraiment emballée, même si je l'ai lu en une journée et presque d'une seule traite.
L'histoire d'abord: le narrateur, après la mort rapprochée et prématurée de ses parents, part à la recherche de son frère aîné, Yûji, qui a quitté le foyer familial depuis 10 ans et ne s'est plus manifesté depuis. Coutumier des fugues depuis son enfance, anticonformiste et énigmatique, il lui avait déclaré un jour, peu avant de disparaître :"toi et moi, nous sommes frères sur le plan physique, mais sur le plan de l'âme nous sommes des étrangers. Nous sommes juste des passagers embarqués par hasard sur le même navire".
Ne croyez surtout pas la 4e de couverture qui annonce une "quête initiatique à travers les lieux cultes d'un Tokyo ultra-branché, [où] il va découvrir tous les dangers qui guettent le " voyageur " égaré dans le monde moderne : la violence, la drogue, les sectes...". Si quête initiatique il y a, les décors sont tout ce qu'il y a de plus anodin voire paisible (un square, un appartement abandonné, la terrasse d'un grand magasin, un studio d'étudiante, divers izakaya et restaurants). Mis à part peut-être une vague histoire de cueillette de marijuana sauvage en pleine cambrousse et une boîte de nuit surpeuplée, où est la branchitude ? Même si l'auteur vient des milieux rock et que ses héros sont des marginaux, on n’est pas chez Murakami Ryû, loin de là.
Le roman s'affiche comme une réflexion sur l'identité à la fois simple et compliquée... (dixit le capitaine Haddock). Banale car il s'agit ici des difficultés à se construire une identité adulte au sortir de l'adolescence, de la nécessité de se trouver des modèles puis de s'en détacher ensuite, au risque de perdre tous ses repères. A travers Yûji, c’est donc à la recherche de lui-même que part le narrateur. Le mélange d'attraction et de répulsion qu’il éprouve pour son frère, perçu tantôt comme le "point d'ancrage" qui le fait vivre depuis toujours, tantôt comme la présence qui l' "empoisonne de l'intérieur depuis l'enfance", sonne assez plausible.
S'il se limitait à l'étude de cette quasi gémellité, de ces "deux aimants se repoussant mutuellement", le roman serait intéressant (à défaut d'être original...). Mais, par excès d'ambition j'imagine, il se perd rapidement en considérations sur l'identité en général, abordant en vrac la métempsycose, le questionnement existentiel, la vie par procuration, comment vivre sa différence dans un milieu aussi conformiste que la société japonaise, l’aliénation et le désir de liberté... En juste 200 pages, le tout est donc au mieux confus, au pire simpliste.
Le thème de la poursuite d’un fantôme est traité de façon décevante. Le jeu de piste qui doit mener – ou pas – le narrateur à Yûji, est semé d’indices, de rencontres, de situations censés l’éclairer sur la personnalité du disparu. Or, ces éléments visiblement symboliques sont si peu développés qu’on s’interroge sur leur véritable utilité dans l’intrigue… Ainsi le fameux « arbre du voyageur », donnant son nom au roman, devrait logiquement avoir une signification… que j’ai cherchée en vain !
On a donc l’impression que le flou qui entoure cette quête doit plus à un manque de cohérence narrative qu’à la volonté d’entretenir le mystère. Mystère de toute façon flingué par une fin peu subtile (et qui se veut pourtant ambiguë), que je ne révèlerai pas ici.
Vous l’avez compris, j’ai trouvé l’intrigue mal fichue, mais j’ai quand même apprécié le talent de l’auteur à créer des ambiances à la fois poétiques et banales, telle celle régnant sur la terrasse déserte d’un grand magasin tokyoïte, paradis décrépit mais ensoleillé, havre de silence au dessus du vacarme de la ville. Et cela ne m’a pas donc pas dissuadée de lire Le Bouddha Blanc !


L'arbre du voyageur (Tabibito no ki), Tsuji Hitonari, 1992, Folio, 2005, 199 p.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je suis bien d'accord avec vous, l'Arbre du Voyageur n'est pas exactement un chef-d'oeuvre.
Mais Objectif est encore moins bon ; du coup, rétrospectivement, ces deux livres me gâchent quelque peu le souvenir que j'ai du Bouddha Blanc, que j'avais beaucoup aimé (La Lumière du Détroit est bien aussi, mais la fin m'a laissé un peu sur ma... faim).
Dans le Bouddha, donc, on trouvait déjà des interrogations mystico-bidon qui semblent gagner de l'ampleur par la suite dans l'oeuvre de l'auteur.
Rétrospectivement, je vois cet aspect ressurgir plus qu'à l'époque où j'avais lu le livre... en conséquence de quoi, je l'aime moins qu'avant, sans pourtant l'avoir relu...
En tout cas, c'est vrai que Tsuji est un auteur qui se lit très facilement. Quant à savoir si cela prouve que ce n'est pas de la littérature...