dimanche, septembre 18, 2005

Harry Potter version 6

Dans quelques jours se dresseront dans nos librairies et grandes surfaces de conquérantes piles de la traduction française du dernier opus de JK Rowling, Harry Potter and the Half-Blood Prince (Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé). Pollanno vous en propose la critique en avant-première, sans dévoiler l'identité du fameux personnage trucidé à la fin (ne voulant pas renouveler chez vous cette vertigineuse sensation de chute qui accompagna autrefois la froide révélation : " Le père Noël c'est les parents, banane") .
Un Harry Potter, pour moi, c'est un agréable moment de lecture, mais qui ne me laisse généralement aucun souvenir précis. C'est que chaque nouveau volume semble annihiler dans ma faible mémoire les aventures précédentes, un peu comme lors d'une mise à jour de logiciel , la nouvelle version écrase l'ancienne. Je continue à filer la métaphore: on conserve la même interface (l'école de sorcellerie d'Hogwarts, le monde scindé en Wizards vs Muggles, la menace latente de l'abominable Saur... Lord Voldemort) mais avec de nouvelles fonctionnalités: cette fois-ci Harry découvre un antique grimoire de potions, annoté par un étrange "prince au sang-mêlé" et il continue à explorer le passé de Voldemort grâce à des souvenirs en bouteille. Ouala.
Sinon, rien de bien nouveau sous le plafond-ciel de Hogwarts. Tout ce qui m'avait semblé inventif et plutôt divertissant lors de ma découverte de l'univers à la fois féérique et réaliste créé par Rowling, (les objets magiques intégrés au quotidien, le bestiaire, les fantômes bavards) , toutes ces trouvailles se fondent désormais dans le décor. En gros, on prend les mêmes et on recommence.
Contrairement aux sagas linéaires à la Tolkien, Harry Potter c'est l'éternel retour d'une année scolaire au rythme des saisons, certes ponctuée de péripéties, mais une intrigue toujours construite sur le même schéma. Au moins, cette fois-ci l'exposition est moins longue que dans le précédent ( HP version 5: The Order of the Phoenix) où l'ennui de Harry Potter, confiné dans une chambre sinistre et condamné à l'inaction, faisait écho à l'impatience grandissante du lecteur. L'action se traîne néanmoins. Le fameux grimoire constitue l'essentiel de l'intrigue, ralentie par d'interminables comptes-rendus de championnats de Quidditch. La fin dramatique, qui commence à avoir un goût de déjà-vu, m'a laissée assez indifférente. C'est que depuis The Goblet of Fire (HP version 4) un proche de Harry disparaît régulièrement dans les dernières pages.
En donnant un tel tour sombre à sa saga, JK Rowling met à mal ce qui en fait l'intérêt, à savoir l'évolution d'un héros somme toute banal, confronté, malgré ses aventures fantastiques, aux mêmes épreuves que son jeune lectorat. Amitiés, bagarres et rivalités, mauvaises notes, conflits avec les adultes, expéditions hasardeuses, victoires et gamelles sportives, et même deuils...
Or Harry, même chahuté dans ce tome par ses hormones, ressemble de moins en moins à l'ado lambda et de plus en plus à un héros tragique. Et sa nouvelle banalité est bien moins intéressante, car "le jeune type qui cherche à venger ses parents assassinés et à débarrasser le monde d'un puissant et maléfique individu, quitte à y laisser sa vie", thème usé jusqu'à la trame ... Rowling sait décrire avec talent et vérité le ressenti enfantin, mais fait preuve d'un net manque d'inspiration dans un registre plus dramatique, plus adulte ... Veut-elle nous la jouer ambitieux et shakespearien ? Même pas, car des relents de Star Wars de plus en plus prononcés commencent à flotter dans les corridors de Hogwarts ( il est même question dans ce volume de mains bousillées, c'est vous dire...). Le sorcier/directeur de l'école Dumbledore confirme son appartenance à la confrérie déjà bien garnie des Vieux Guides Barbus, au côté des Gandalf et autres Obi Wan.
La seule subtilité (peut-être un peu roublarde) est la mise en abyme, dans le roman, de la célébrité mondiale de Harry. Dans ce volume, il accède à un véritable statut de superstar au sein du monde magique, il est poursuivi par des meutes de fans, il doit signer des autographes à tour de bras, la presse l'encense et l'éreinte...
Voilà, en espérant que cette critique d'une rare violence ;-) ne vous aura pas dissuadés d'y jeter un oeil...


Harry Potter and the Half-Blood Prince, JK Rowling, Bloomsbury, 2005, 607 p.

prochaines critiques: La Ville au Crépuscule, Kazumi Yumoto / It's like this, Cat, Emily Cheney Neville / 1969, Murakami Ryû.

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