samedi, janvier 15, 2005

Le Château Ambulant, ハウルの動く城

ou en romaji : Hauru no ugoku shiro, le dernier film d'animation de Miyazaki Hayao, que j'ai vu hier après-midi. Je fais partie des très nombreux français conquis par le génie du cinéaste et j'avais un a-priori très positif en pédalant vers le Katorza.
Comme pour Mononoke hime , Sen to Chihiro no kamikakushi , deux heures rares d'évasion dans un univers magique, farfelu, coloré, qui nous ravissent et par moment nous serrent la gorge. Et à nouveau l'occasion de constater que visionner ces films en salle obscure est incomparable (j'ai découvert les autres Miyazaki en vidéo ou dvd), on ressort à la lumière du jour encore plus hébété, mais heureux, que d'habitude...

L'intrigue : Sophie, jeune modiste, dans le genre petite-souris-discrète-mais-néanmoins-déterminée, croise, lors d'une course en ville, le chemin d'Hauru, séduisant magicien. De dépit, la Sorcière des Landes, qui convoite le jeune homme, lance à Sophie un puissant maléfice qui la transforme en nonagénaire! Alors que la guerre éclate entre les royaumes de ce monde féérique, Sophie part sur les routes, rencontre le Château d'Hauru, invraisemblable assemblage de ferraille, qui parcourt les landes, grinçant, cliquetant, sur quatre pattes, comme un gros volatile à vapeur. Elle monte à son bord...


Le décor 19e plein de couleurs, de châteaux et de princes d'opérette ,de montagnes et de prairies alpines fleuries évoque les "dessins animés" de mon enfance, Candy, mais aussi Heidi (dont l'auteur n'est autre que Miyazaki). C'est parfois à la limite du kitsch, ça fait très vision cliché de l'Europe par les Japonais, mais j'aime bien, ça change des univers cyberpunks...
On retrouve comme dans les précédents opus des héros complexes, ambivalents, avec toujours ce décalage entre le paraître et l'être. Sophie, fragile et enfantine, recèle une énergie et une volonté impressionnantes. Sa nouvelle "apparence" de vieille femme fluctue tout au long du film, car au fil de ses émotions, elle rajeunit, re-vieillit, re-rajeunit, évoquant les variations de taille d'Alice. Hauru, le puissant magicien et maître du château, somptueuse et ténébreuse créature ailée la nuit, est un dandy obsédé par son apparence, immature et froussard, qui dort dans une chambre envahie de jouets. C'est drôle d'ailleurs comme ce personnage androgyne, (il porte des pendants d'oreille à la Henri III), vêtu de collants très collants et pourpoints, évoque les chanteurs de j-pop efféminés qui fascinent tant les jeunes Japonaises (comme Sophie qui ne tarde pas à craquer). A tel point que l'attraction entre lui et Sophie semble un peu improbable, mais bon ...
Une galerie de personnages secondaires délicieux, tel Calcifer, le démon du feu, ronchon et geignard, à l'irrésistible voix nasillarde (je me demande s'ils l'ont conservée en VF).
Une alternance de moments intimistes (le thé au bord du lac) et de "moments de bravoure" (batailles aériennes), de tendresse et de burlesque mordant (l'ascension des marches du palais par la sorcière des Landes) . Mais aussi, et c'est là que le film m'a un peu déçue, on y trouve d'innombrables références aux films précédents, que je ne vais pas lister. Je ne parle pas du thème de la métamorphose, qui est la marque de Miyazaki, et qui est ici développé d'une façon originale ( arriver à se réaliser dans la vieillesse et l'impotence physique). Mais des personnages, situations, créatures qui sont autant d'échos de Mononoke, Chihiro, Porco Rosso, Laputa... L'épouvantail sautillant qui suit Sophie comme une ombre, les machines volantes, le disciple récalcitrant, l'amour rédempteur...ça ne vous dit rien? Moins d'originalité donc, d'autant plus que ces auto-allusions sont particulièrement appuyées et je m'interroge sur leur sens? Télérama déclare qu'il s'agit ici de son film le "plus ambitieux" et je m'interroge encore plus... La morale ici présente (= la guerre, c'est pas bien) me semble plus simpliste que les déchirements des personnages de Mononoke, que la réflexion sur l'identité dans Chihiro... Et le happy-end pourrait sembler bien convenu si un des personnages, la sorcière Suliman, n'ironisait, parlant à son chien espion par le biais d'une boule de cristal (d'un objectif de caméra?) : "Tu veux un happy-end, c'est ça?". Interpelle-t'elle le spectateur, que Miyazaki a pourtant habitué à des fins plus ouvertes, ambiguës ? Nous prend-elle pour des amateurs de Disney, grrrr? Ceci me rend assez perplexe... mais je ne vais pas bouder mon plaisir. Cependant, davantage que la lande brumeuse où sautille le Château ambulant, la forêt des kodama ou le train glissant silencieusement sur les eaux du pays des kami continueront à hanter mes rêves.
Sinon, dans un reportage sur l'expo Miyazaki/Moebius qui se tient à Paris, j'ai appris que pour la forme du château, ses mouvements, les concepteurs s'étaient inspirés du sac rebondi pendouillant au dos des randonneurs ...
site officiel du film http://www.howl-movie.com/

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